Burka Avenger ( Pakistan )
Burka Avenger est une série d'animation pour enfants pakistanaise ( la première de l'histoire pour ce pays) crée par le musicien Haroon , né à Londres et chanteur pop à succès. La série se déroule dans la ville fictive de Halwapur au Pakistan et dans une époque contemporaine. On y suit les aventures d'une institutrice Jiya qui, lorsque son école est menacée ou bien ses élèves, a recours à son alter-ego secret, Burka Avenger. Une super-héroïne orpheline depuis un tragique accident et qui a été recueilli par le vieux sage Kabbadi Jan qui lui a appris un art martial ancestral , le Takht Kabaddi , un dérive du karaté où l'on utilise des livres et des stylos pour se battre. Burka Avenger porte comme costume une burka , qu'elle utilise à la fois pour masquer son identité, et aussi pour planer. Elle affronte ainsi régulièrement le grand méchant de la série Bada Bandook, un magicien maléfique opposé à l'éducation des femmes.
Que dire de ce synopsis ? Sinon qu'il contient en son sein des éléments typiques du super-héros , à savoir le costume, l'identité secrète, le tragique accident qui rend le personnage orphelin, ainsi qu'un lien très fort entre le super-héros et sa ville. Si la série a souvent recours à l'humour ironique lorsqu'il s'agît de la société pakistanaise, les méchants de la série sont bien souvent tournés en ridicule , avec un humour parodique très souvent réussi. On retrouve beaucoup d'éléments de la culture populaire et fantastique, de la maison hanté au robot hargneux et j'en passe. Chaque épisode se conclue sur une leçon de morale de Burka Avenger qui s'adresse directement aux enfants qui regardent la série.
Mon envie de parler de cette série m'est venu de son postulat de départ, à savoir , comment un super-héros peut combattre une idée ou une idéologie ? Car c'est tout le cœur de la série, lutter contre l’extrémisme et l'obscurantisme. Et ici Burka Avenger ne lutte pas vraiment contre une idéologie, mais plutôt envers ceux qui la répandent, Bada Bandook en l’occurrence symbole de la tradition et de l’extrémisme à la limite de la caricature. S'attaquer à l’extrémisme primaire de cette façon aurait pu être un défaut ou une déception.Il n'en est pas un car , dans sa critique de la société pakistanaise, la série est plus subtile qu'elle n'y paraît.
En effet, Bada Bandook n'est pas le seul méchant de l'histoire, du moins pas le seul responsable , il est souvent aidé par un politicien corrompu et plein aux as : Valero Pajero, une manière de critiquer et d'interroger le spectateur sur le financement de telles actions , et de montrer qu'il y a des gens, satisfaits de leur conditions qui tiennent à ce que rien ne change. Enfin autre critique plus subtile encore, la série est entrecoupée de journaux télévisées qui informent la ville des exactions de Bada Bandook, on y voit souvent une journaliste femme révoltée et indignée qui vocifère contre ces pratiques et un journaliste homme passif, limite amorphe voir sous tranquillisant. Ces petites scènes sont une manière de condamner la passivité dont certains font preuves devant des actes de terrorisme ou de sexisme.En superposant des personnages malveillants , cupides ou encore passifs la série transforme un discours binaire et manichéen en une vraie étude de la société pakistanaise.
Burka Avenger se veut progressiste et chaque épisode traite d'un thème sociétal , et bien souvent il s'agît d'une avancée ou d'un accès à la connaissance que Bada Bandook veut empêcher, que ce soit par le biais des livres que ce dernier cherche à détruire ou bien par l'arrivée d'internet. Burka Avenger se bat contre l'obscurantisme et le racisme aussi lorsque Bada Bandook veut empêcher la venue d'un groupe de pop constitué de musiciens venant de différentes cultures. La série réussi aussi à utiliser son bestiaire fantastique et à contourner certains clichés du cinéma fantastique de manière plutôt maligne, comme dans l'épisode de la maison hantée où le monstre n'est qu'une supercherie de Bada Bandook , Burka Avenger profitant de cette épisode pour dénoncer le folklore et la superstition et d'insister sur le fait que les vrais coupables sont de vraies personnes.
L'autre élément fort de cette série c'est aussi le costume de cette super-héroïne, et le fait que ce sois une Burqa n'a rien d'anodin. Déjà le fait que le personnage sois une femme est une chose, qu'elle sois institutrice en est encore un autre. Une femme de pouvoir et disposant et transmettant du savoir est un symbole de progrès. Mais plus encore, utiliser la Burqa, symbole selon notre vision occidentale de l'islam, de la soumission de la femme , comme costume de super-héroïne est une belle manière de renverser cette idée. Ici sa burqa lui permet même de s'envoler et de s'affirmer en tant qu'individu fort et possédant une volonté propre. Cette utilisation vaudra d'ailleurs à la série quelques critiques , mais elle invite surtout à dépasser cet apparat pour se consacrer à la volonté d'une femme forte et instruite.
L'importance d'une telle série au Pakistan n'est plus à démontrer tant le climat est tendu dans les écoles et surtout pour les jeunes filles. Les attentats se multiplient dans le but d'entretenir un climat de peur et de dissuader les filles d'aller à l'école , un attentant ayant même coûté la vie d'une jeune fille de 15 ans en mai 2012. Un triste constat malheureusement encore d'actualité, depuis hier, les enseignants sont armés afin de se défendre face aux talibans, coupables d'un attentat qui a fait 21 morts dans un campus à Charsadda dans le nord-est du Pakistan. Le budget alloué à l'éducation est encore trop faible selon certains, en tout cas par rapport à l'armée. Si 80% des enfants ont accès à l'enseignement primaire seulement 3% accèdent à l'enseignement supérieur. Le gouvernement s'est fixé comme objectif 15% pour l'année 2020, espérons que ce genre de programmes (très regardé au Pakistan) aideront ce pays à obtenir ce résultat ambitieux.
Je recommande donc vivement cette série qui traite de nombreux sujets de la polio jusqu'aux enfants soldats, si vous voulez la découvrir, elle est intégralement disponible sur dailymotion avec des sous-titres anglais pour la plupart des épisodes.
http://www.dailymotion.com/BurkaAvengerOfficial
Enfin merci à Arte pour m'avoir fait découvrir cette série, le sujet diffusé dans le magazine Tracks est encore disponible :
http://tracks.arte.tv/fr/wonder-woman-porte-une-burqa
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